Paracanoë : La force de l’ambition

Dans deux jours, les épreuves de paracanoë vont débuter aux Jeux paralympiques de Rio. Canoë-Kayak Magazine vous propose de découvrir les athlètes qui composent l’équipe de France au Brésil. Rencontre aujourd’hui avec Rémy Boullé (KL1), exemple de détermination derrière son côté chambreur.

Benjamin de l’équipe de France paracanoë, Rémy Boullé, n’a pas sa langue dans sa poche. Depuis son départ pour Rio, ceux qui le suivent sur les réseaux sociaux, partagent amplement son aventure. Besoin de se montrer mais surtout besoin de faire partager le bonheur d’avoir réussi son défi, être au départ des Jeux paralympiques, à peine deux ans après son accident.
Avant cet accident de parachutisme, le 4 septembre 2014, Rémy Boullé était militaire, athlète de haut-niveau en parachutisme (aux portes de l’équipe de France A) et passionné de course à pied. Paraplégique depuis ce jour de septembre, il vit le sport comme un moyen de se reconstruire. « J’avais besoin de passer à autre chose, explique-t-il, car j’ai tout perdu, mon métier, mes passions. Il fallait que je relève ce défi. »
En rééducation aux Invalides à Paris, c’est lors d’une séance de musculation, début 2015, qu’il a cette idée. « J’ai vu un magazine sur le handisport qui parlait des Jeux et du paracanoë. Dedans il y avait le contact de Jean-Christophe Gonneaud le directeur de l’équipe de France, référent de la discipline dans l’Hexagone, j’ai donc pris contact avec lui. » Entre 11 et 16 ans, Rémy Boullé a pratiqué le kayak, il connaît donc bien la discipline et y voit un moyen de progresser rapidement malgré son handicap.

Il se dirige vers le club d’Orléans où le président lui parle d’Agnès Lacheux, également paraplégique et qui commence à pratiquer le paracanoë. « J’ai pris contact avec elle, raconte-t-il, car je voulais des conseils et on s’est rencontré. On a accroché et on a mené cet objectif ensemble. Elle m’a accompagné puis s’est aussi prise au jeu. Aujourd’hui on ne s’entraine que rarement ensemble à cause de nos contraintes professionnelles et personnelles, mais on sera tout les deux à Rio ! »

Accidenté en 2014, après 10 mois d’hospitalisation, Rémy Boullé tient son nouveau challenge et se lance vers son objectif paralympique. Il étudie les chronos de sa catégorie, lance une campagne de financement participatif pour s’acheter un bateau, s’entraine quotidiennement pour gagner sa place en équipe de France. « Je ne me suis pas sélectionné aux mondiaux 2015 à Milan, confie-t-il et j’ai eu du mal à l’accepter. Après une coupure de trois mois je m’y suis remis. J’ai été invité en stage avec l’équipe de France au Portugal cet hiver, et ce fut un déclic. » Il prend confiance, voit dans le regard des autres qu’il y a effectivement quelques choses à faire à Rio, et y puise un regain de motivation. Il s’organise quinze jour de stage au Grau du Roi pour s’entrainer au soleil et décroche finalement sa sélection en équipe de France.

remy_boulle_podium

Rapide ascension

En mai il se retrouve donc au départ des championnats du monde à Duisburg, sa première course internationale et la plus importante car elle sert d’ultime qualification pour les Jeux paralympiques. Son rêve peut se réaliser ou s’évaporer en quelques courses.
Sous la grisaille allemande, il réalise une série correcte, mais la demi-finale est déterminante. Grâce à un bon départ, il résiste et se hisse en finale, le quota synonyme de qualification paralympique est en poche. « Je n’avais aucune expérience à Duisburg et j’arrive à en être déçu, car lors de la finale je n’ai pas su m’exprimer pleinement. Je termine 8ème avec encore un bon départ, mais je n’étais pas dedans, trop content de ma qualification pour Rio. »

Au Brésil, il vise le podium et plus si affinités. Peu importe la place, il a déjà réussi une partie de son défi ; deux ans et dix jours après son accident il sera bien au départ des Jeux.
Mais pour ne pas passer à côté de son rêve, il va devoir faire attention. « Je manque d’expérience vis à vis de mon handicap, dit-il. Ma crainte c’est d’être malade et de ne pas être à 100%. Et puis ce ne sera que ma troisième grande course internationale, je n’ai pas d’expérience dans la gestion du stress. Il me manque des choses par rapport à mes concurrents plus expérimentés, c’est certain. Physiquement je suis moins prêt mais j’espère créer la surprise. Je ne veux pas passer à côté de la finale et ensuite l’objectif ce sera Tokyo pour gagner.

Huitième des mondiaux, deuxième des championnats d’Europe à Moscou, il représente une chance de médaille pour le clan tricolore à Rio.

La force du sport

Ambitieux, déterminé, Rémy Boullé est lucide sur l’importance que le paracanoë et ce projet paralympique ont pris dans sa vie. « Si je n’avais pas le kayak je serai en dépression, j’ai perdu tellement de choses que j’aimais dans cet accident. Le sport m’a aussi fait rapidement évoluer dans mon handicap, et cela m’aide à progresser dans mon autonomie. Et grâce à cela j’ai repris soin de mon corps, maintenant je le protège pour performer alors que juste après l’accident je le rejetais. Je ne pense plus au handicap, je vis. »

Crédit photo : Jean-Christophe Gonneaud

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