La France survole la classique

Après le sprint vendredi et samedi, les championnats du monde sont passés en version classique, sur la Vézère. Comme sur le sprint, l’équipe de France a posé son empreinte sur les résultats en s’offrant trois titres individuels et deux par équipe.


Passe de 4 pour Manon Hostens

Partie en première position, Manon Hostens a frappé fort d’entrée. Alors qu’elle ne se sentait pas forcément à l’aise à l’échauffement, peinant à trouver le bon tempo, elle s’est à nouveau muée en compétitrice hors pairs. Elle signe le chrono de référence en 17’42 et restera en tête jusqu’au bout. Manon Hostens est sacrée pour la 2ème fois de sa carrière championne du monde de classique et réalise un doublé mondial historique.
Claire Bren, qui la suivait au départ, prend le bronze et seule l’Italienne Mathilde Serena Rosa s’intercale entre les tricolores.
Les deux Françaises, accompagnées de Phénicia Dupras s’adjuge le titre par équipe le lundi matin en clôture des mondiaux. Manon Hostens repart donc de Corrèze avec 4 titres mondiaux, son pari de revenir en descente le temps d’un championnat du monde est plus que réussi.

3 questions à Manon Hostens

Manon Hostens © Matthieu Becker

Manon après le sprint la classique ! C’est la première fois en K1 dame qu’une athlète française est sacrée double championne du monde sur la même édition. Qu’est-ce que ça te procure comme sentiment ? 

C’est juste incroyable, j’ai vraiment du mal encore à réaliser. J’ai tout fait pour me détacher du résultat pendant ces mondiaux afin de rester dans la réalisation, l’instant présent et ce que je devais faire pour réaliser de grosses courses sans me faire « manger » par le stress de la compétition et l’enjeu de ce que je voulais réaliser. Mes 2 derniers championnats du monde sprint et classique c’était ceux de 2016 où je gagne en classique et je fais 2 en sprint et 2018 où je gagne en sprint et je fais 2 en classique 😅. Donc forcément j’avais pour ambition de montrer que j’étais encore présente en descente et surtout que le doublé m’était accessible !!!

Depuis quelques années tu te focalises et performe au plus haut niveau en course en ligne. Comment c’était de revenir à tes sources ? Comment tu expliques cette envie ?

Ce qui m’a vraiment motivé à revenir c’est le parcours ! Treignac je ne l’avais pas beaucoup fait avant cette année (juste une fois en junior sur 3 jours), mais qu’est ce que j’en avais entendu parlé !! C’est vraiment un parcours MYTHIQUE ! Non seulement ces mondiaux étaient à la maison mais en plus le parcours est physique, technique, exigeant avec de beaux passages tout du long, ça ne s’arrête jamais ! Et comme j’ai commencé par performer sur de la classique avec des parcours relativement plats, j’avais aussi à cœur de prouver que je pouvais aussi aller vite sur des parcours techniques en eaux vives. Cela donnait encore un peu plus de piment au challenge !! Donc je pense que c’est un mélange de tous ça qui m’a fait revenir : me donner une nouvelle chance de réaliser le doublé, prouver que je pouvez regagner en sprint et en classique, montrer que j’étais aussi une bonne navigatrice et tout ça sur un parcours légendaire à la maison !! Il faut savoir aussi que j’avais arrêté la descente en 2018 pour me préparer pour les JO de Tokyo, les doubles saisons ligne et descente sont chargées, et lorsque la saison s’achève souvent je ressentais de fatigue accumulée, donc je reprenais plus tardivement la saison suivante. C’est donc pour préparer au mieux les JO que j’avais renoncé à la descente. Mais 2022 c’est encore loin de Paris 2024 donc j’avais envie de revenir m’amuser à la descente, et puis comme je l’ai déjà dit : c’était en France et à Treignac donc tout m’encourageait à revenir 

Tu es championne d’Europe en K2 500m avec Sarah Guyot. Après ce doublé en rivière, on dirait qu’il ne manque plus qu’une médaille olympique à ton palmarès… ?

Oui j’ai déjà fait des médailles en coupe du monde de ligne mais en effet jamais en championnat du monde et encore moins au JO donc oui c’est évident je m’entraîne pour ça c’est sûr ! Ce sont des gros objectifs mais j’ai envie d’y croire et de persévérer, ça m’a bien réussi en descente donc je continue de m’accrocher pour compléter le palmarès en ligne 


Les larmes des kayaks hommes

Maxence Barouh © Matthieu Becker

Quentin Bonnetain a retourné les kayaks hommes dimanche en classique. Lui aussi de retour en descente, il s’élançait aussi en premier de sa catégorie. L’Ardéchois signe le temps de base avec 16’26 »07 et il attend. Il attend longtemps avant de commencer à y croire vraiment. L’Allemand Max Hoff est ses 16’31 »59 n’y changeront rien, il prend le bronze, mais il reste Maxence Barouh, vice-champion du monde de sprint, dernier partant. Tout le monde retient son souffle, Quentin Bonnetain plonge le visage dans ses mains et finalement conserve la tête et s’offre un nouveau titre de champion du monde pour 16 centièmes.
Les larmes de joies de Bonnetain sont aussi chargées d’émotions que celles de désarroi de Maxence Barouh, médaillé d’argent, comme en sprint, pour une poignée de centièmes.

Les sourires s’harmonisent avec la course par équipe ; Félix Bouvet, Maxence Barouh et Quentin Bonnetain s’imposent et permettent à la France de clore ses mondiaux sur une médaille d’or.

4 questions à Quentin Bonnetain

Quentin Bonnetain © Matthieu Becker

Quentin, 8 ans après Valtelina et ton titre mondial en sprint, tu es à nouveau champion du monde, en classique cette fois. Qu’est-ce que ça te fait ?

Pour moi la classique en descente, c’est la plus belle course. J’en rêver depuis petit ! J’étais super content d’avoir gagner un titre, mais il manquait un truc ! Meme si j’ai même encore un peu de mal à vraiment réaliser ! Surtout de gagner en France sur l’une des plus belles rivières, la plus belle mais après l’Ardèche. Même le podium est exceptionnel. Maxence 2ème qui était pour moi le plus fort de ces championnats. Et bien sûr Max Hoff, une légende du kayak qui complète le podium ! Je suis trop content ! 

Tu es parti dans les premiers, tu as donc dû attendre près d’une heure à regarder tes adversaires arriver un à un. Qu’est ce qui te passait par la tête ?

Quand j’arrive, mon temps qui s’affiche est très bon. J’ai des erreurs, mais je fais ma course ! J’ai pas de regret ! Si je suis battu, c’est que je suis tombé sur plus fort que moi ! Au bout de 1 minute j’ai vu que Max Hoff était derrière ! Mais pas loin ! Du coup, je me dis que ça va être serré ! Mais après, plus le temps passe, plus c’est long ! Je crois que je refais 1000 fois la course dans ma tête ! Je repense aux erreurs. Et puis quand Maxence arrive, je comprend que ça va être serré ! Je ne regarde plus le chrono. J’entends seulement Cyril Leblond, qui me dit « ça va le faire … Oula non ça va être chaud … ça va être serré …. oui c’est bon » et en même temps, je vois mon père qui lève les bras ! Et la j’y crois pas, c’est ouf ! 

Comment t’es-tu préparé pour revenir au meilleur niveau mondial, 8 ans après ton premier sacre ?

Depuis 2019, je suis à fond en CEL pour préparer le 1000m. J’ai décider d’augmenter mes doses d’entraînements. Je fais beaucoup d’aérobie, et j’ai perdu un peu de poids pour être plus léger sur l’eau. Je m’entraîne beaucoup à Lyon, avec un groupe diversifié. Félix Bouvet en descente, Victor Doux en surfski et un groupe de fille en CEL. C’est génial, car ça apporte énormément. On discute beaucoup sur l’entraînement et surtout on se donne de l’émulation entre nous ! Je m’organise aussi souvent dés stages de kayak ou de PPG avec les copains. 

Depuis l’été dernier, j’ai recommencé à faire de la descente. Et j’ai mixé, quand je suis en Ardèche c’est descente et quand je suis sur lyon, c’est CEL. Je fais ma programmation seul. Mais au mois de Mars, j’ai demandé à Laëtitia Parage de faire mon programme. J’avais envie d’être rassuré sur les 4 derniers mois avant les championnats du monde. Je m’entends super bien avec Laëtitia et je sais qu’elle a la même approche que Fred Rebeyrol (son mari) qui était un entraîneur très important pour moi ! Je suis vraiment content d’avoir fait ce choix, car ça ma beaucoup libéré sur l’entraînement. J’avais 200% confiance en elle !!! Et j’ai bien fait. 

Tu as aussi montré que tu pouvais être rapide sur 1000m en course en ligne. Est-ce que Paris 2024 est dans ta ligne de mire ?

C’est sur, ce n’est pas passé loin cette année. Le 1000m c’est une épreuve que j’aime. Ça fait depuis 2015 que je tente ma chance en CEL et que ça ne veut pas ! Mais bon, j’ai envie d’aller au bout ! De tenter ma chance pour la dernière fois en 2024! Que ça marche ou que ça marche pas ! J’ai pas envie de regretter plus tard et me dire que j’aurai pu peut être y arriver ! 


Les canoës à la fête

Laura Fontaine © Matthieu Becker

Le cri de rage de Théo Viens était presque aussi fort que le cri de joie d’Ondrej Rolenc à l’arrivée de la classique. Le Tchèque s’imposait avec plus de 4 secondes d’avance et remportait un nouveau titre, lui qui était un peu malade en début de semaine. Rolenc, qui devrait poser la pagaie en fin de saison a donc Théo Viens pour dauphin et Ancelin Gourjault complète le podium. Comme en sprint, il prend le bronze, pour ses 2ème championnats du monde, il prend doucement en expérience.

Chez les dames, l’exercice de la classique a creuser les écarts et à ce petit jeu, c’est Cécilia Panato qui s’en sort le mieux et qui s’impose avec 26 secondes d’écart devant Marie Nemcova et la toute jeune Laura Fontaine, qui remporte sa seconde médaille des mondiaux, en bronze cette fois.

3 questions à Quentin Dazeur

Quentin Dazeur © Matthieu Becker

Quentin bravo pour ce Championnat, tu réalises une performance de haut vol en montrant que tu es aussi rapide en sprint qu’en classique et en monoplace comme en biplace. Quelles sont tes premiers ressentis quelques jours après le tumulte ?

Mon premier ressenti c’est vraiment d’avoir réussi à valider des objectifs/rêves dans ma carrière en C1 et d’avoir réussi à continuer de gagner des courses en C2 après 6 ans ensemble

Comment est né le projet C2 avec Stéphane Santamaria ? Et qu’est-ce que tu en retires ?

Le projet C2 a commencé à valtellina en 2014, il y avait que 2 C2 de sélectionné et il en fallait un 3eme pour les courses par équipe et au lieu de le faire avec le 4eme kayak homme on a convenu de le faire ensemble et ça a direct bien fonctionné. En 2015 je voulais rester encore focus que sur C1 et on a commencé le projet en 2016.

C’est quoi la suite du chemin pour toi ?

J’avais déjà prévu depuis quelques mois que ce serait la dernière saison donc trop content que ça finisse sur une bonne note. Maintenant je vais essayer de prendre un peu de temps pour moi parce que je jongle entre travail à 40h/semaine à 1h de route, entraînement et travaux de la maison. Niveau canoë je me garde du matériel pour pouvoir en faire quand l’envie me prendra mais pour le moment aucun objectif sportif, je verra où le vent et l’envie me porteront


La « der » pour Santamaria ?

Dazeur / Santamaria © Matthieu Becker

En C2, Quentin Dazeur et Stéphane Santamaria étoffent un peu plus leur magnifique palmarès. Ils sont sacrés champions du monde avec plus de 13 secondes d’avance sur le duo Rolenc/Suchanek et un autre équipage français, Nicolas Sauteur et Ancelin Gourjault, encore lui.

Stéphane Santamaria, qui était déjà de l’aventure lors des mondiaux sur la Vézère en 2000, pourrait arrêter sa carrière sur ces deux titres, sprint et classique. D’autant que son coéquipier, Quentin Dazeur semble se diriger vers un arrêt de sa carrière également. Affaire à suivre

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